L’éclairage domestique reposait toujours à la fin du XVIIIe siècle sur le principe ancestral de la lampe à huile à mèche plate en coton plongée dans un bassin. La lumière était faible et gracile, la mèche se consumait, fumait beaucoup et noircissait les plafonds. En 1780, le genevois Aimé Argand (1750-1803) invente une nouvelle lampe munie d’une mèche cylindrique qui offre une meilleure ventilation de la flamme en oxygène. Le résultat est spectaculaire : la lampe éclaire cinq fois plus qu’une lampe ordinaire et ne fume plus, tous les déchets de combustion étant brûlés. Aimé Argand, sûr de son succès, présente alors son invention pendant les États de Languedoc en 1782 puis à Paris en 1783 au ministre des Finances Jean-François Joly de Fleury.

Le succès est immédiat au point que cet appareil, facile à fabriquer, sera copié par l’ensemble des fabricants-éclairagistes de Paris, de France ou d’Europe. Dès 1790, on en trouve déjà dans le Nouveau Monde. Argand n’en tirera finalement aucun bénéfice.

L’inventeur se rend toutefois très vite compte des déclinaisons possibles de son innovation. Il essaie de s’installer sur le marché des lampes domestiques, de l’éclairage des villes, des spectacles et celui des phares. Il va ainsi proposer en 1803, un projecteur chargé d’éclairer les églises ou les grands espaces. Son neveu Isaac Bordier-Marcet (1768-1835), qui reprend l’entreprise à la mort de son fondateur, présente un Mémoire sur les réverbères à l’usage des phares en 1803 où il critique les appareils de Tourtille-Sangrain. Il est contacté par l’ingénieur Haudry du Havre en 1807 où il installe un réverbère à réflecteurs « à double effet » au phare de la Hève et un appareil « sidéral » sur la jetée de Honfleur en Normandie.

Bordier-Marcet aura le temps de modifier plusieurs phares et d’installer une petite vingtaine de feux de jetée (Quillebœuf, Honfleur, Granville par exemple) avant que son innovation ne soit abandonnée au profit des appareils lenticulaires d’Augustin Fresnel.